L’éducation à la propreté, des conseils d’expert
Disponible aussi sur :SpotifyDeezerPodcast AddictApple Podcast
Quand on devient parent, on vous dit que la meilleure façon d’éduquer votre enfant est de suivre votre instinct. C’est vrai, mais ça fait aussi du bien d’avoir les conseils d’une professionnelle, surtout quand il s’agit d’éducation à la propreté. Magali Dumez, psycho-praticienne, répond à toutes les questions, y compris celles que vous ne vous posez pas.
Parole d'expert : Magali, psychopraticienne certifiée
Magali adore écouter, alors elle en a fait son métier. Psycho-praticienne, cette maman de deux enfants accompagne les parents sur le beau mais tortueux chemin de l'éducation. Et s'il y a un truc qui inquiète les parents, c'est bien l'apprentissage de la propreté. Mais pas de panique, Magali est là. Un podcast pour vous guider proposé par Fess’nett.
Je suis Magali Dumez, psycho-praticienne, coach en psychologie positive et formatrice d'adultes. J'accompagne essentiellement les particuliers et aussi les professionnels, en fait, dans toutes les problématiques qui touchent l'enfance, la petite enfance, l’adolescence, voire même le développement personnel et les relations toxiques. Alors, l'hygiène intime, ça va être tout ce qu'on appelle communément, on va dire de façon assez populaire, la propreté : aller sur le pot, aller aux toilettes, se laver, se brosser les dents… Tout ce qui concerne l'intimité de l'enfant.
C'est un sujet qui inquiète beaucoup les parents et de façon assez récurrente et assez fréquente puisque c'est quelque chose où l’on a beaucoup de pression sociale en France par rapport à ça, et notamment par rapport à l'école. Et puis, on est aussi dans un contexte où on est beaucoup dans la comparaison : notre enfant est propre par rapport à l'autre, l’autre il n’est pas propre... Donc c'est quelque chose effectivement qui inquiète beaucoup les parents et ils mettent beaucoup de pression à leurs enfants, souvent pour ça.
Alors, on n'impose pas la propreté à un enfant. Surtout pas, parce que, justement, c'est un processus qui est totalement naturel, qui est totalement biologique en réalité. Et le fait d'imposer à l'enfant d'être propre, ça peut induire des blocages par la suite, par le fait justement qu’ils peuvent se sentir humiliés, ils peuvent se sentir rabaissés et ça peut être très compliqué pour eux à gérer psychologiquement.
Je n'aime pas mettre les enfants dans des cases, mais il peut être physiologiquement prêt entre 18 mois et deux ans et demi on va dire, donc 18 mois et 30 mois. Ça peut être avant, ça peut être après. C'est très important de respecter le rythme de l'enfant et de ne surtout pas, justement, le mettre dans des cases.
L'enfant, il faut qu'il soit prêt, il faut qu'il soit prêt effectivement physiologiquement déjà, ça c'est certain, mais aussi psychologiquement. Il faut savoir qu'un enfant peut être sur plusieurs apprentissages et du coup, en étant sur certains apprentissages, il ne peut pas être disponible. Ça ne veut pas dire qu'il n'est pas prêt. Ça ne veut pas dire qu'il n'est pas capable de le faire, mais disons qu'il n'est pas disponible pour ça. Et aller aux toilettes, aller sur le pot, il faut arrêter une activité pour aller aux toilettes. Et ça, c'est quelque chose qu'un enfant peut ne pas être prêt à faire. Il faut lui laisser ce temps-là, c'est-à-dire que c'est lui qui va être prêt à un moment donné ou à un autre, à dire tout simplement “Je ne veux plus de couches”.
Je vais prendre l’exemple d’une expérience personnelle. Mes deux filles se sont levées un matin en disant “Je veux plus de couches”. Elles sont devenues propres ainsi. J'ai des accompagnements, j'en ai eu un la semaine dernière - je ne sais pas si je peux en parler - où la maman était très inquiète par rapport à ça. Je lui ai dit : “Vous savez, ça va arriver d'un coup. Un matin, elle va se lever, elle va être propre”. J'ai fait l’accompagnement la semaine suivante, elle m'a dit “Ça y est, c'est fait”. Elle m'a dit “Vous avez appelé mon enfant pour lui dire ? Ce n’est pas possible !” Et c'est quelque chose de très naturel. À partir de 3 ans, c'est quelque chose qui peut arriver vraiment du jour au lendemain, sans aucun apprentissage.
Réellement, il n'y a rien à faire. C'est quelque chose qui est très difficilement entendable pour la majorité des gens, parce qu'on a des siècles et des générations avant où vraiment on pensait que l'apprentissage du pot était quelque chose d'essentiel. En réalité, c'est vraiment par l'exemple : l'enfant va nous voir aller aux toilettes, l’enfant va bien percevoir que nous allons aux toilettes et par l'exemple, tout simplement, un jour, vraiment, il va se décider. Il va y avoir un déclic. En plus, c'est ce qu'il faut savoir et c'est important, c’est que l'enfant peut avoir des craintes psychologiques à se défaire de quelque chose qui est de son corps. Et il faut qu'il soit prêt aussi psychologiquement à ça. C'est-à-dire, il peut être physiologiquement prêt, on sait qu'il y a des signes comme grimper à l'échelle, il y a des signes physiologiques, on sait que l'enfant est capable de maîtriser ses sphincters - c'est ce qu'on appelle maîtriser ses sphincters - sauf que dans la maîtrise de ses sphincters, c'est physiologiquement possible mais il faut que mentalement, il soit prêt aussi à se défaire d'une partie de son corps sans que ce soit un traumatisme. Et ça, c'est à lui de nous dire quand il est prêt.
Le meilleur moyen d'accompagner un enfant dans ce genre de situation, c'est déjà de décrire ce qu’il se passe en lui quand il a fait pipi, quand il a fait caca, pour qu'il apprenne à reconnaître ces signes là. Par exemple, quand on voit notre enfant qui a envie, on peut lui dire “Ah, tu as envie de faire pipi !” Ça lui permet à lui de décoder son corps. Le fait de décoder son corps ça va lui apprendre à connaître son corps, ça va lui apprendre à respecter son corps aussi, à identifier ses besoins. On va dire que c'est la chose vraiment essentielle à faire, de lui apprendre à reconnaître les signes dans son corps qui vont lui permettre de savoir à quel moment dire je veux aller aux toilettes et ça va se faire tout seul.
La propreté le jour et la propreté la nuit, il y a beaucoup de distinction. On dit souvent, en tout cas dans l'idée communément admise, que c'est quelque chose de très différent. Sauf qu'un enfant qui va être propre spontanément, c'est à dire, comme je disais, sans qu'il y ait de menace, de punition ou de chantage, de carottes ou quoi que ce soit, ça va être du jour au lendemain. Souvent de jour et de nuit. Ça va vraiment venir de lui de jour et de nuit. J'ai beaucoup de cas dans les accompagnements que je fais. Moi, mes deux filles, ça a été ça. Du du jour au lendemain elles se sont levées et ça a été la propreté de jour et de nuit.
Donc, vraiment, être à l'écoute de son enfant : et ça marche en réalité pour tout. C'est la clé essentielle, en tant que parent, d'être à l'écoute, justement, du corps du son enfant.
La notion qui va être intéressante aussi par rapport à ce respect du corps, ça va être aussi la notion de consentement : un enfant qu'on ne va pas forcer à aller aux toilettes, qu'on va pas forcer à prendre la douche, qu'on ne va pas forcé à exposer son corps s'il n'en a pas envie. Ça va être déjà les premiers pas pour lui apprendre à dire non, respecte mon corps. Alors je ne dis pas, je précise c'est important, qu'un enfant, il faut le laisser trois heures dans sa couche s'il n'est pas d'accord pour changer sa couche.
Ce n'est pas ce que je dis. Il faut l'inciter, avec respect, et il y a des tas d'astuces. Il y a des tas de techniques, il y a des tas de choses à mettre en place sans le forcer physiquement.
Le fait de forcer physiquement, c'est vraiment la dernière chose à faire parce qu'un enfant va apprendre avec des techniques comme celle-là que son corps nelui appartient pas. Si son corps ne lui appartient pas, ça veut dire tout le reste derrière.
Ça veut dire qu'il peut être une proie vis à vis d'un prédateur. Ça veut dire qu'il peut ne pas savoir dire non. Alors, ce n’est pas parce qu'on ne sait pas dire non que ça veut dire qu'on est fautif. Ce n’est pas ce que je dis. Mais le fait d'avoir cette notion de consentement sur son propre corps, ça va permettre à l'enfant de savoir dire non. Là, il y a une limite qui est dépassée. Je ne suis pas d'accord. Et de pouvoir le dire à quelqu'un d'autre et de pouvoir se faire protéger, tout simplement.
Au niveau des astuces qu'on peut mettre en place pour aider notre enfant à changer la couche facilement, ça peut être par exemple prendre un doudou, jouer avec lui, le mettre à la hauteur de son visage. “Bon bah je te change la couche hop-hop-hop, tu joues avec le doudou”, donc il va avoir une interaction autre. Et du coup, on peut lui changer la couche de cette façon.
Ça peut être aussi, par exemple, moi j'ai cette astuce là, le système du réveil où je mets par exemple 5 minutes. “Dans 5 minutes, puis on va changer la couche. Est ce que tu es d'accord ? Est ce que tu as compris ?” On valide avec l'enfant qu'il a bien compris. Il check, ça c'est important de valider “le contrat”. L'enfant, à partir du moment où il va être prévenu, à partir du moment où il va avoir donné son accord, cinq minutes après, si on lui dit “on va changer la couche” - le fait de mettre une sonnerie extérieur aussi, c’est le bruit qui dit bon bah on y va, et souvent, c'est beaucoup plus facile - Si au bout de cinq minutes, ça ne marche pas, on peut remettre sur une minute, remettre sur quelques secondes et au fur et à mesure, à un moment donné ou à un autre, ça va basculer. Il va être d'accord.
Donc il y a plein d'astuces comme ça qui peuvent vraiment amener l'enfant à être coopératif et à vraiment accepter que oui, finalement, on lui change la couche avec son consentement et ça, c'est important.
Disons que dire non, ils savent beaucoup le dire ; mais souvent par rapport à leur corps, par rapport à beaucoup de choses, on passe outre parce qu'ils sont petits, parce qu'il y a urgence, parce qu'on est les parents, parce qu'on est des adultes. Et c'est très important de respecter leur nom surtout, bien évidemment, sur tout ce qui concerne leur corps.
La gestion des régressions, c'est un peu comme la gestion de l'apprentissage, de la propreté. Ça va être toujours dans le respect de l'enfant. C'est à dire que s'il régresse, c'est qu'il y a des raisons. Ça peut être des raisons physiologiques, ça peut être des raisons psychologiques, en tout cas si il y a forcément des raisons qui sont importantes pour lui.
Donc, ce qui compte, c'est vraiment de le suivre dans ce qu'il est, de ne surtout pas l'humilier, surtout pas le rabaisser, de ne surtout pas partir dans les systèmes récompense/ punition, puisque c'est quelque chose qui est extérieur à son corps. Il faut vraiment qu’il apprenne que son corps est là pour lui et non pas pour faire plaisir à un adulte. Ça, c'est vraiment important. Il ne faut pas aller faire pipi caca pour faire plaisir, pas à aller se laver pour faire plaisir. Il faut qu'il comprenne vraiment que c'est pour lui.
Et quand il y a des régressions comme ça, c'est très important de l'accompagner déjà, et de comprendre pourquoi il y a cette régression. Est ce que c'est la naissance d'un petit frère ou d'une petite soeur ? Est ce que c'est un problème à l'école ? Est ce que c’est un deuil dans la famille ? Il peut y avoir des tas de raisons. C'est très important de trouver la source et de ne pas l'incriminer, de ne pas l'accabler, ne pas accabler l'enfant par rapport à cette régression là et vraiment l'accompagner au mieux, comme quand il était petit. Et finalement, attendre que ça revienne. Si ça dure sur du long terme, évidemment, il ne faut pas laisser ça comme ça. On peut aller voir un médecin parce que ça peut être des raisons physiologiques, ça peut être des raisons psychologiques, donc ne pas hésiter à aller voir un professionnel de la santé ou quelqu'un pour pouvoir se faire aider, se faire accompagner, si vraiment ça dure trop longtemps.
Ça peut être un signe que quelque chose ne va pas, oui, mais ça peut être aussi juste un moment où l'enfant n'a plus envie de faire cet effort là. C'est là où il faut être très vigilant et très à l'affût. Il ne faut pas que ça dure trop longtemps non plus. Ça peut durer un petit moment, ça peut être signe d'un mal être qui est passager, mais ça peut être quelque chose de plus. Il faut donc vraiment rester attentif à ce qu’il se passe.
Les plus grosses erreurs à éviter quand on est dans “l'apprentissage de la propreté”, c'est surtout d'éviter tout ce qui est punition, d'éviter tout ce qui est humiliation, le forcer. Même les récompenses, ce n'est pas bon non plus parce que c’est quelque chose qui appartient à son corps. Il faut qu'il apprenne, justement, à respecter son corps et à assimiler les signes qui sont importants.
Les erreurs à éviter, ça va être de lui imposer quoi que ce soit de le stresser avec ça puisque c'est quelque chose de physiologique. Donc ça se fait tout seul. Et si on commence à stresser un enfant avec des choses qui sont physiologiques, ça va créer des problématiques pour plus tard, qui peuvent être beaucoup plus lourdes quand il va devenir adolescent ou même adulte. Donc, c'est vraiment respecter son corps. C'est vraiment la chose la plus importante par rapport à ça.
Le problème de la récompense, sur l'apprentissage de la propreté,, c'est que ça développe des valeurs extrinsèques à l'enfant. Ça va développer quelque chose qui fait qu’il va faire les choses pour faire plaisir à l'autre. Il va faire les choses pour obtenir quelque chose de l'adulte et pas pour lui.
Comme dans tout apprentissage naturel et biologique, s’il fait les choses pour faire plaisir à l'autre, ça veut dire qu'il va peut être essayer de se forcer (donc physiologiquement ça va décoder certaines choses). Ça peut créer en tout cas des soucis physiologiques réels par la suite sur des choses qui sont totalement naturelles.
Le système de récompense, ce qui est compliqué, c'est qu'on pense souvent que c'est du renforcement positif. Sauf que non, l'enfant va faire les choses pour nous faire plaisir et non pas pour lui. Et du coup, ça va le déconnecter de ce qui peut être réellement lui au fond de lui.
Le but, quand on élève des enfants, ce n'est pas justement qu'ils fassent les choses pour nous faire plaisir à long terme. C'est qu'ils fassent les choses pour eux. Qu’ils sachent qui ils sont. Qu’ils deviennent parfaitement eux-mêmes et non pas qui fassent les choses pour nous, pour nous épater ou pour nous faire plaisir.
C'est un petit détail, on va dire c'est une petite facette sur l'ensemble de l'éducation, mais c'est quelque chose qui fait que oui, les récompenses et les punitions, ça développe en fait des attentes par rapport à des regards extérieurs et c'est ça qui est compliqué.
Je dirais qu'à partir de 4/5 ans, on peut effectivement commencer à se poser des questions. Après, encore une fois, tout dépend du contexte familial. Tout dépend de plein de choses. S'il y a eu, par exemple, un deuil dans la famille, la perte d'un parent, une séparation… il y a des tas de facteurs qui peuvent faire qu'un enfant, d'un coup, va régresser à ce niveau là ou même ne va pas évoluer à ce niveau là. Donc, encore une fois, il ne faut jamais incriminer l'enfant. Ne jamais humilier l'enfant. Ne jamais accuser l'enfant, mais l'accompagner. Parce qu'en plus, l'enfant, quand il voit ses copains, ses copines, ses camarades être propres alors qu'il ne l'est pas, c'est déjà une source d'humiliation, sans même que l'adulte en rajoute.
Ce n'est pas la peine d'en rajouter une couche, au contraire. Le but étant vraiment de l'accompagner et de l'aider à dépasser ce stade là.
Une question ?
Parce que votre avis est précieux et que
nous souhaitons vous accompagner au quotidien,
en vadrouille ou à la maison, gardons le contact !